Pour que la poésie contée compte !
Jeudi c’est Poésie ! YouTube : chaîne poétique, ôde et merveilles. Poésie lue, racontée, aimée, vécue, scénarisée, scandée, récitée. Voies multiples, polymorphes, polyphoniques, voix différentes. Par Anne-Sophie Toutain, en toute exclusivité !
https://www.youtube.com/channel/UC-x8SEo_TK4cSp3gNFfBxRQ
En chaîne la poésie, Anne-Sophie
LE projet. Anne-Sophie, jeune et fraîche post khâgneuse, À la recherche de la poésie perdue, se met à écrire de la poésie… Jusqu’ici, on pourrait s’exclamer : Encore une ! Une petite écrivaine se disant poétesse… ? Que dit-elle ? Qu’écrit-elle alors ? Et pour qui ? Des questions, qui pour une fois, appellent de jolies réponses, simples, directes et accessibles. Parce qu’écrire la poésie ne doit pas être un labeur, mais plutôt (et pour changer) une partie de plaisir, à partager et consommer sans modération. Lyrisme et modernité, visée rêvée de tout poète qui se respecte… Mais ici le papier et l’encre sont relayés par d’autres voies bien plus pénétrables… YouTube, quelques clics et ça y est… À nous de lire, d’écouter et d’entendre la poésie écrite d’Anne-Sophie, racontée par des comédiens, et mise en scène par des illustrations, de la musique et des bruitages.
La poésie se déchaîne ! Elle ne tient plus dans le cadre d’un recueil écrit, elle se fait à mi-chemin entre l’audio-book et la chanson. Ce format, original, ajoute vraiment quelque chose au texte qui, rigoureux et classique, acquiert souplesse, fun, et émotion ! Original, le projet poétique et médiatique plaît parce qu’il devient un lieu hybride, plein de rêves et de fantasmes, ouvrant sur des possibilités nouvelles, à renouveler infiniment… Et cette magie, c’est bien la poésie, ce qu’elle est, ce qu’elle veut et ce qu’elle peut : porter la voix, les voix du monde dans une polyphonie joyeuse, dynamique et tendre, explosive et rythmée, joueuse et audacieuse.
Cette poésie est altruiste, généreuse, car humblement elle s’envole du papier pour s’incarner dans la voix des autres, ces comédiens qui apportent beaucoup d’eux-mêmes pour la faire exister, lui donner une couleur et des tonalités chatoyantes ! La poésie d’Anne-Sophie n’est pas contraignante, illisible, difficile à écouter. Elle s’écoule avec beaucoup de fluidité sur des sujets qui nous touchent et qui interrogent le poète qui vibre en nous : le Temps, le Lieu, la géographie, le quotidien, l’amour aussi… Ces questions prennent dans ces courtes vidéos, et nous sont offertes très simplement, dans la volonté que tous puissent accéder à ces trésors de l’existence, embellie, mais pas falsifiée, juste, sans excès ni grandiloquence avec ce qu’il faut de patience et de jeux. La poésie, ici, est lieu d’amitié et de partage, de ressourcement complice où l’on se sent, de nouveau, revenir à l’Enfance, horizon tant désiré par la Poésie. Or, cet horizon n’est pas mélancolique et inaccessible, plein de tourments maudits, il est juste à portée, et vient à nous d’un geste gracieux et drôle.
Le travail de la langue : « Sombrer dans l’instant d’un détail »
« Entre mémoire et oubli,
Entre miroir et récit, puzzle où
S’assemblent rigueur, persévérance et travail. »
Derrière ce sérieux, les fragments poétiques ne défigurent pas le réel, mais nous promènent, et nous font voyager dans un réel imagé plus qu’imaginaire : la pêche, le tabac, le cinéma, les montagnes de l’Atlas, l’horoscope revisité, Fête des lanternes, Mont Fuji, Sushi, les Femmes Massai…Des petits morceaux à picorer, entre souvenirs et rêveries…La poésie s’enchaîne sans se lasser, et les pièces du puzzle s’emboîtent à mesure d’un travail sur la langue. Ce travail se définit non pas par les thèmes choisis, mais par la poétique, le « comment dire ? ». Souvent, il joue des sonorités et du sens, liant les mots par un effet d’assemblage, rimes internes etc. Aussi, les champs lexicaux sont souvent rompus par des notes humoristiques, afin de créer une complicité avec le lecteur s’éloignant d’une érudition livresque et faire du poème un lieu où la langue travaille, mais elle ne se travaille pas dans un circuit fermé méta-quelque chose… Elle se travaille dans un but collectif et se fait la voix de tout : les objets, les lieux et les moments de notre vie. Elle est l’écho de notre existence, elle résonne en nous.
Rigueur de la langue, langue travaillée. Parfois les voix prennent ou non, le dessus. Désorientées.
Désorientée, la langue ? Orient, orientée pourtant, mais il est vrai que l’éclosion et la diversité des poèmes, telles des pièces peuvent troubler. On s’éloigne du recueil. Les vidéos ne se relient pas les unes aux autres telle une chaîne tenue par un fil rouge thématique. L’éparpillement peut désorienter. Mais faut-il un ordre, à tout prix ? Ici, ce sont les détails minuscules qui s’apprécient. Dans Nuit d’artiste, l’orfèvrerie de la langue « taille dans l’obscurité / pour avancer ». « Chute boisée », « trésors d’humanité »… La langue travaille le détail visuel et auditif et la poétesse se fait « artiste réactivée ».
Poétesse en devenir, Anne-Sophie franchit les portes de son avenir. Réjouissons-nous !
©crédits images Anne-Sophie Toutain
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