Comment le monde entier s’est-il fait « bankser » ? Banksy aka l’artiste-provocateur par excellence
Après cette effervescence médiatique autour de Banksy le weekend dernier, il était indispensable pour la Plume de Sel de faire une rétrospective sur lui. Dans un premier temps, je vais donc revenir sur le « happening » qu’il a orchestré à la fameuse maison de vente aux enchères Sotheby’s. Enfin, je reviendrai sur son parcours artistique engagé.
Pour commencer, la question est : comment Banksy a-t-il réussi dans l’ombre à autant chambouler, à la vue de tous, le monde de l’art ?
C’est la première fois dans l’Histoire qu’une œuvre s’auto-détruit juste après avoir été « adjugée, vendue ». Il a sonné l’alarme d’un tournant dans l’histoire amour-haine à laquelle nous assistons entre le street art et l’art en galerie.
Sa célèbre « Girl with a Ballon » est non seulement son œuvre qui a été vendue le plus cher – 1,2 million d’euros – mais sa valeur devrait même augmenter, elle serait déjà estimée au double rien qu’aujourd’hui. Une fois de plus, il pointe du doigt un certain sarcasme envers les créations dont les prix enflent sans raison apparente. Pour le coup, j’ose dire de la destruction : quel coup de génie.
Mais ne serait-ce pas aussi un message d’amour ? Il a décidé d’uniquement préserver ce symbolique cœur en ballon qui s’envole, finalement inaccessible et ce même par la surenchère des collectionneurs.
Le lendemain de la vente, Banksy a avoué dans une vidéo sur instagram avoir prémédité cette action en cas de mise aux enchères tandis que Sotheby’s assure ne pas avoir été au courant de tout ce subterfuge.
Et l’ironie est à son comble lorsque Banksy choisit d’illustrer cette publication par la citation « The urge to destroy is also a creative urge » qu’il d’attribue à Picasso. Double-sens une fois de plus, car cette phrase est d’un militant anarchise russe du 19e– Mikhaïl Bakounine – et non de Picasso. Un manquement sûrement calculé pour dénoncer la réelle valeur d’une signature…
Après avoir décortiqué la symbolique de l’acte de Banksy, revenons maintenant sur son parcours artistique engagé.
Mais qui se cache réellement derrière ce phénomène street art ?
Les journalistes sont désormais encore plus à l’affût de n’importe quel indice pour déterminer son identité. Mais qui est-il ? Serait-ce une femme ? Est-ce qu’il ou elle ne serait pas plusieurs même ?
Banksy a crée un réel halo de mystère autour de son personnage et ça le rend à la fois, lui, inatteignable et son art accessible à tous.
On retient seulement qu’il a passé sa fougueuse jeunesse à Bristol, dans le sud de l’Angleterre. Lieu où il a commencé à illustrer sa passion pour le tag, même si aujourd’hui il s’épand sur les murs du monde entier.
Dès 18 ans, il manque de se faire prendre par la police, et c’est pourquoi Banksy va développer sa fameuse technique du pochoir, pour une question de rapidité.
En 2010, il sort un documentaire intitulé « Faites le mur » ayant pour sujet un street artiste français qui lui ressemble étrangement, il se nomme Mr. Brainwash. En effet, il nous aura bien lavé le cerveau avec ses fausses pistes.
Et finalement, Banksy n’en était pas à son premier essai pour dénoncer la spéculation autour de l’art contemporain.
En 2013, l’artiste avait décidé d’installer un stand à Central Park afin de vendre ses œuvres, pourtant signées, pour la modique somme de 60 $. Etant donné qu’il n’avait fait aucune communication autour de cet événement, très peu de personnes sont réellement passées à l’acte d’achat. Une sacrée ironie sur le prix à allouer à une œuvre, aujourd’hui aussi victime du Marketing.
Et même les plus grands galeristes ou collectionneurs ne pourront jamais capter ni s’approprier ce mouvement.
D’un autre côté, Banksy c’est aussi l’artiste-justicier des temps modernes.
En août 2015, le brillant artiste avait créée de toutes pièces un parc d’attractions temporaire près de Bristol. Ce projet artistique se nomme Dismaland, jeu de mots en référence à « dismal » qui signifie lugubre en anglais, le tout symbolisant la version sinistre de Disneyland.
Le lieu s’harmonisait autour d’œuvres de 58 artistes différents dont celles, bien entendu, de Banksy, mais aussi de ses acolytes : Damien Hirst et Mike Ross. Le parc proposait même des concerts de musiciens de renommée comme Massive Attack ou encore les Pussy Riot. Le leitmotiv de Banksy est de dénoncer des problèmes de société tels que : la crise des migrants au travers de l’œuvre de la fontaine où sont dispersées des figurines sur des barques, ou encore la pêche aux canards englués de mazout.
Banksy utilise donc la féerie associée à Disney afin de la briser d’autant plus violemment et révéler la réalité funeste de notre monde. Le challenge est réussi pour l’artiste, son exposition a attiré plus de 150 000 personnes du monde entier et on estime les retombées économiques pour la ville à plus de 27 millions d’euro. Pour conclure en beauté, tout le matériel nécessaire à l’exposition avait été offert à la « Jungle de Calais » afin d’y construire des abris pour les migrants.
Finalement, le mantra de Banksy est de dénoncer les profonds dysfonctionnements de la société en mêlant provocation et poésie. C’est un personnage qui aime jouer avec les limites, en voguant entre art et révolte.
Banksy, ce même artiste qui avait déjà graffé le mur qui sépare Israël et la Palestine, arrivera-t-il à faire tomber celui entre street art et art conventionnel ?
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