Obsession dernier épisode : La fin de l’Obsession : Manifesto ou le pire reste à venir…
Julian Roselfedt nous sort Manifesto en 2015. Il y a Cate Blanchett. Ce film reste une erreur. Mais il est tourné en 12 jours…
Aujourd’hui, l’Art Iconoclaste
Le cinéma. Des images, des vignettes. Pas de construction temporelle. Un défilement de scènes. Un seul personnage, entouré d’autres personnes. Absence de récit.
Le cinéma qui n’est pas méta, ne se commente pas lui-même, ne se critique pas. Pas de cinéma dans le cinéma. Pas d’érudition cinématographique, pas de « science » de l’image. Pas de montage particulier, pas de plans particuliers, pas de décors particuliers, pas d’ambiance particulière.
Le cinéma qui n’est pas art. Manifesto est défini. C’est un manifeste. On dit, on montre, on manifeste. Quelques écueils intellectuels. L’effort de définition (erreur didactique, mais volonté démocratique ? Élitisme pour tous… Encore une bouchée). Il faut que ça soit intellectuel, ça fait mieux. Il faut que ça soit un peu iconoclaste, un peu nihiliste, un peu cliché, un peu transgressif, un peu « bourgeois », un peu critique, un peu esthétique, un peu photographique, un peu réfléchi, un peu montré, un peu parlé, un peu joué…
On ne fait rien entièrement, pour faire croire qu’il y a du Mouvement.
On ne montre rien, pour faire style qu’on montre tout.
On parle sans cesse, pour donner l’illusion d’une parole intelligente.
On construit des scènes, pour faire croire à une habilité théâtrale, un mélange des genres.
On met de la diversité, pour donner le change et montrer le Mensonge, c’est-à-dire pour eux, la Vérité : montrer seulement, dire seulement. Sans réfléchir, dans la vie.
On déconstruit l’Esthétique, pour faire style que l’on construit de l’Inédit.
On caricature avec outrance le jeu d’acteur, la photographie pour créer un film iconique et suffisamment « pop culture ».
Saper les fondations, ruiner la construction, montrer le désastre
Mais rien ne se fonde vraiment, rien n’est digne d’intérêt dans ce film, Manifesto. Peut-être son manque d’intérêt vient nous prendre par surprise parce qu’il semble, lui, conscient. Cet ennui qui nous tire chaque minute vers la fin, devient parfois rassérénant à certains moments. On ne sait, ni comment ni pourquoi, mais le rire, venu de nulle part, survient. Moment épiphanique, on trouverait presque brillant, de pouvoir encore faire naître quelque chose avec cette mystique, ce mythe de la Déconstruction et du Méta « intelligent » que l’on nous sert partout, vieille relique, fantôme que l’on pare et que l’on rhabille à chaque fois des parures de la « Nouveauté », de l’Inédit, du Créatif, du Brillant, de l’Intelligence, du Sérieux, du Rire spirituel, du Bon-ton-élitiste-faussement-marginal, faussement Nouvelle Vague, faussement cool…
Le film ne tient presque en rien. Même le décalage espéré ne produit aucun effet car il est, justement, espéré. La parole et l’image ne s’accordent pas, c’est le but poursuivi par la réalisation du film, mais et alors ? D’autres l’ont fait.
La parodie de « dada », citer Dada, est d’ailleurs une faute de goût, mais il faut bien expliquer, contextualiser, appeler les esprits cultivés, les flatter, les mettre à l’aise, faire appel à leur souvenir scolaire, ou pire ou mieux, à leur « identité », aux replis de leur âme, à leur curiosité intellectuelle, à leur implication de lecteur inspiré, d’amateur d’images, de consommateur culturel régulier abonné… Bref, encore la même recette : de l’absurde, de l’intellectuel, des idées, des mots, des images, de la Déconstruction. Mélangez, et admirer le… Tout ?
Manifester par une parole « intelligente » ?
Beaucoup de mots, illustrés par les gestes de l’actrice, ici qui se fait voix prophétique du futur, qui anticipe les mouvements, les tendances… Seule, sans narcissisme (c’est ironique), elle crève l’écran de paroles, non pas la sienne (l’exigence de faire du Dada ou d’en ériger la critique) mais une reproduction de ce que l’on imagine être de l’art Dadaïste, sans en comprendre ni même effleurer en surface, les idées qui ont pu amener à la création de ce mouvement d’idées. Définir suffirait à contrer toute « superficialité ». L’excuse est que Dada serait l’antithèse de tout et de rien.
La parole est proférée, conclusive. Elle martèle pour espérer les tremblements poétiques du langage, en faire soudre les fondations anciennes. La parole de l’actrice et son jeu se veulent « intelligents » en montrant l’intelligible. La destruction du « sensible », cette part émotionnelle qui jaillirait telle une vague de promesses, conduit à la construction d’un édifice éphémère. Il ne fera pas date, il ne peut pas, il ne doit pas, il ne veut pas.
La parole et l’image sont réduites aux navrants clichés culturels. Citer Godard… Encore ! La limpidité des redondances, l’envie de procurer l’écœurement et la saturation du sens, ne prennent même pas. La tentative n’échoue pas, mais est complètement à côté, en dehors de toute visée, comme si le film devait rester un brouillon expérimental, que l’on espère séduisant, alors qu’il est juste d’une maladresse confondante, d’un ennui irrépressible et palpable, d’une culture navrante, désacralisée mais embourgeoisée, ni moquée, ni vraiment déconstruite.
L’absurde réside donc, pour conclure, et on aura tout dit, dans le désir d’avoir voulu faire de la culture, une imitation grotesque, peu préparée, mais mixée avec des recettes censées marcher à tous les coups. La séduction de l’esprit que l’on veut opérer, cet effort de sensibilisation politico-artistique suinte de son trop plein d’érudition fausse, mal digérée, incomprise, ni aimée, ni détestée, comme si le nouveau patrimoine culturel ne reposait que sur les institutions (le Cinéma, la Littérature, le Langage, les Musées, les Idées, le Futur) et la maîtrise du temps. En réalité, ne reposant que sur l’illusion de la singularité, la volonté de distinction, le film rate tous ses buts et ne parvient à rien. Mais « réussir » serait trop élogieux pour un Manifeste sur le vide. Alors restons-en au tiède et à l’envie d’une médiocrité moins prise de tête, moins désireuse, moins forcenée. Celle qui ne contraint pas le spectateur à goûter et s’écœurer du texte de l’image. Reprenez les classiques, chers, reprenez Godard… Et gagner un peu en légèreté gratuite, sans cliché. C’est promis.
L’Obsession du Temps, du passé, du futur. L’Obsession des Idées. On évacue. Enfin. Que la culture se libère un peu d’elle-même et du carcan artistique et idéologique qu’elle ne cesse de se construire douillettement, la nourrissant d’elle-même, par elle-même. Se détruisant elle-même, pour elle-même. Autant de « contradictions », de « paradoxes » qui débouchent juste sur les apories quotidiennes : ce film est juste un nanar, comme on en verra pas d’autres. Préférez d’autres films, épargnez-vous le soin d’une réflexion stérile qui ne décollera jamais. L’Obsession est morte, on a enterré « Dada » et toutes les Idées sur l’Art Contemporain.
(NDLA : #bashingArtistthenewcoolestattitude #langageisanything #anythingiseverything #MDR #Absurd #pingouinbleu)
LE CREUX DE LA VAGUE.
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