“The Beatles : Eight Days a Week”. Beatles VS Beatlemania
« Les Beatles sont plus connus que Jésus Christ maintenant. » En 1966, John Lennon énonce un fait, un phénomène qui le dépasse depuis trois ans : à chaque fois que les Beatles montent sur scène, le monde entier veut se les arracher littéralement. Pourtant, cette phrase sera la source d’une incompréhension totale, exposant les Fab Four à une violence inédite et navrante. 50 ans plus tard, sort The Beatles : Eight Days a Week, un documentaire riche en images et interviews exclusives, réalisé habilement par Ron Howard.
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De 1962 à 1966, quatre jeunes gars de Liverpool vont bouleverser le monde musical à travers des tubes qui occuperont de longues semaines le hit parade, et ce, à chaque sortie d’un nouvel album. Que ce soit des morceaux innocents tels que A Hard Day’s Night ou des chansons perchées et innovantes avec l’album choc Rubber Soul. Ron Howard nous décrypte avec rythme et dynamisme les tournées quasi légendaires des Beatles à l’aide de leurs propres témoignages, ceux de leur entourage professionnel et de leurs fans, connus ou inconnus du public.
Parfaits modèles de gendres idéaux, les Beatles adorent faire les gentils insolents devant les journalistes, ils acceptent de chanter pour charmer les midinettes et doivent supporter des milliers, voire des dizaines de milliers de hurlements stridents pendant leurs concerts. Voilà le résultat du baby boom et de l’éducation stricte de l’époque : une explosion incroyable de décibels convergeant vers une seule et même bande de camarades unis et visionnaires. Et ça fait peur. Ou rire. On ne remerciera jamais assez Ron Howard de nous faire partager cette merveilleuse expérience : à chaque entrée sur scène, on a juste envie que les Beatles arrêtent de jouer pour réclamer un silence religieux. Face à toutes ces groupies effrayantes malgré elles, un véritable système de sécurité se met en œuvre pour tenter de calmer cette dévotion envahissante et insatiable. Pour Lennon, c’est simple : « Quand un but est marqué, tous les gens se mettent à crier. Quand on secoue la tête, c’est comme si on marquait un but, c’est là que les cris sont les plus forts, vous voyez ? » All right then !
La musique comme échappatoire aux tournées infernales
John, Paul, George et Ringo ne veulent pas être nerveux, ils ont juste du mal à saisir complètement le délire ambiant. Ils décident donc de jouer le jeu, quitte à travailler comme des dingues en faisant 25 concerts en 30 jours aux States ou ailleurs, sans se prendre vraiment au sérieux. Quand on demande à McCartney la place qu’occuperont les Beatles dans l’histoire de la culture occidentale, il répond immédiatement « C’est une blague ? C’est pas de la culture. C’est de la rigolade ! »
Mais les années 1960 sont tout sauf une période apaisée et sans histoire : l’assassinat de Kennedy, les essais nucléaires, les droits civiques, la guerre au Viêtnam durcissent efficacement le contexte international. Les fans leur balancent des sandales, des pierres, manquent de les écraser quand ils sortent des voitures ou cassent des vitres pour les toucher. De quoi faire pâlir Kim Kardashian. Qu’importe, les joyeux drilles sont des superstars solidaires qui aiment répondre du tac au tac et tiennent à ce que leur musique soit universelle, devenant ainsi des acteurs politiques. Grâce aux archives photographiques et vidéos de qualité, on découvre que cette détermination artistique se concrétisera par l’abolition de la ségrégation dans les grands stades des Etats sudistes américains. Le 11 septembre 1964, à Jacksonville, le Gator Bowl accepte pour la première fois la présence de personnes de couleur pour le concert des Beatles. Parce qu’ils fonctionnent toujours d’une seule et même voix, pour la ségrégation, la réponse fut simple : c’est stupide et inhumain.
Cependant, la gloire ne suffit pas pour les rendre stables et plus sûrs dans leur identité artistique. Après le célèbre concert du Shea Sadium, où les Beatles ne s’entendent pas à cause de 566 000 groupies, le studio devient leur « havre de paix ». En 1965 et 1966, Rubber Soul et Revolver sont les albums symboliques de cette quête incessante d’innovations. Mais l’actualité les rattrape toujours et John Lennon, la plus belle grande gueule de la bande, doit en faire les frais en énonçant sa célèbre phrase « Les Beatles sont plus connus que Jésus Christ maintenant. » Même si les religions sont en perte de vitesse, la violence et la peur sociétales et médiatiques prennent le dessus et cela oblige Lennon à s’excuser publiquement, non sans difficulté. La bande, toujours soudée, décide de stopper les concerts la même année. Comme le souligne Lennon, les concerts les ont transformés en bêtes de foire, la musique n’y est plus respectée. De ces mauvaises expériences vont naître les meilleures créations des Beatles : les enregistrements de leurs discussions et de la naissance des tubes au studio tels que « Lucy in the Sky with Diamonds » ou « Strawberry Fields Forever » sont de véritables pépites : comme tous les autres artistes, ils galèrent mais persévèrent. Sergent Pepper’s Lonely Hearts Club Band leur permet d’oublier les Beatles et de se réinventer d’autres personnages : l’album restera 3 ans dans les charts du monde entier.
En bref, ce documentaire enrichit farouchement bien notre culture populaire en livrant des témoignages éclairants et exclusifs sur le rythme de vie effréné des Beatles au cours des années 1962-1966. Cette immersion dans cette ascension pour le moins fulgurante des quatre garçons dans le vent, ponctuée de séquences de concert remastérisées, est un vrai cadeau pour les mélomanes old school. Le dernier live des Fab Four le 31 janvier 1969 conclut efficacement cette passionnante plongée picturale et musicale : cheveux longs et barbes au vent, John, Paul, George et Ringo jouent tranquillement, sans se soucier des badauds qui, pour une fois, écoutent avec attention le talent de ces artistes hors normes.
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