Tinder, une femme et des bouteilles
Le soir dernier, j’ai matché avec une meuf d’un autre monde sur Tinder. Je n’ai pas même essayé de ne pas mordre la pomme. Dieu, en misanthrope, ne m’a porté aucun secours. Nouvelle histoire vulgaire, feu.
Le courant est passé direct. On a à peine commencé à parler qu’on s’donnait déjà rendez-vous à Opéra. J’ai su que c’était elle au premier claquement de talon qui venait de la bouche de métro. (Qui met des talons quand il fait -70° de ressenti, après tout, sinon le destin ?) On parle deux secondes, le temps qu’elle comprenne que le courant passe vraiment entre nous et que j’ai l’âme pure. Dès lors, le masque tombe, sous son manteau une bouteille de vin. Elle m’invite chez elle. (Elle était passée par le métro pour ne donner aucun indice, dans le cas où elle tombe sur un dégénéré, mais elle habite en fait derrière le Musée des Beaux-Arts.) On marche deux minutes, on monte. Elle met de la musique. Elle me dit qu’elle vit seule ici, que ses parents ont déménagé pour affaires cinq mois plus tôt. Elle me raconte qu’elle a déjà ramené beaucoup de garçons, ça me gêne ? Non, je m’en fous complètement, son histoire ne regarde qu’elle ; la seule question qui agite mon esprit est de savoir sur quel meuble je vais bien pouvoir la sauter en premier. Elle me sert un verre, puis deux, puis trois. Elle avait aussi du Jägger, mais le vin commence à monter jusqu’au cerveau. J’lui demande si elle a du lean. On se ressert. Des étagères remplies de spiritueux divers. On s’casse le crâne, rit beaucoup, puis enfin elle approche. Elle me caressait, en fait, avant même que ma première main n’ait atteint sa poitrine. (J’étais déjà dur comme le diamant depuis des dizaines de minutes, pourtant j’ai senti d’un seul coup que je pouvais vasculariser davantage.) À ce stade, les basses me transpercent déjà le corps et je suis si sensible qu’un rien me suffit. Tout contre moi son corps à elle, collant de transpiration, et ses seins durs, et son ventre qu’elle frotte contre mes cuisses. — Mange-moi, s’il te plaît, gémit-elle. J’arrache sa jupe, la libère de ses collants et lui colle ma langue sur le clitoris. Ses jambes se resserrent contre mon cou. Elle m’écrase, mon cou me blesse. Je les écarte, la soulève et la jette sur le canapé. Son regard est profond. (Je n’sais plus quand j’y tombe.) Je me jette à nouveau entre ses cuisses, la dévore comme un damné son dernier repas. Elle crie, puis se recule. Elle se ressert un verre. J’embrasse son ventre. Elle me repousse, me fait m’asseoir. Elle se tient devant moi, aussi puissante qu’un prédateur. Elle s’émancipe de ses derniers tissus. De si haut, elle ne doit voir que ma misère. Elle se met à bouger lentement, m’ôte mon t-shirt. Me lèche un téton. Elle déboutonne mon pantalon, me le retire. Du bout de la langue, elle fait sauter le dernier frein qui me sépare de la folie. Maîtrisé, j’explose : je la porte au mur et la baise comme un mort. Au creux d’elle, comme depuis une cime du désespoir, je plonge, m’enfonçant dans les nuages dans un dernier écho. Elle jouit avant moi. Me branle jusqu’à tuer ma descendance sur le parquet vernis. Je tombe sur le dos, elle sur moi. — Si tu pars maintenant, tu auras le dernier métro. — Tu m’accompagnes ? Devant la bouche du métro, je l’embrasse. On est destinés à ne plus se revoir. Sur Tinder, elle me laisse un dernier message : C’était cool. Je lui réponds que c’est une meuf du feu de Dieu. Dans les instants qui suivent, en prenant ma respiration, je la supprime. Dans le cœur, deux-trois picotements. Devant moi, le métro fermé.
The end.
Déjà fini ? T’en veux encore ? Jerry t’invite à lire une autre nouvelle : L’Or et la Cendre.
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